Me voilà désormais dans le Sud-Ouest, à Pau (64). C’est une région que je connais assez bien puisque j’ai passé mon été là-bas, en stage. J’étais en charge du pilotage de l’irrigation pour plusieurs agriculteurs de la coopérative « Euralis », l’une des plus grosses coopératives de France.
Logo et slogan de la coopérative "Euralis"
J’en ai donc profité pour être hébergé chez mon ancien collègue, William, et sa colocataire, Hélène. J’ai aussi pu remettre les pieds dans mes anciens bureaux pour faire un coucou à mon ancienne équipe. J’ai ensuite pu rencontrer deux agriculteurs qui sont adhérents d’Euralis.
Le premier, Pascal LALANNE, est l’ancien responsable agronomie d’Euralis. Depuis 20 ans, il conduit sa ferme en agriculture biologique. A l’époque, il était vu comme un précurseur. En effet, le responsable agronomie d’une des plus grandes coopératives de France qui passe en bio dans les années 2000, il y avait de quoi discuter dans les champs.
Depuis sa retraite, Pascal peut passer plus de temps dans sa ferme. Ce qu’il apprécie dans l’agriculture biologique, c’est le niveau technique beaucoup plus pointu qui est demandé. Pour lui c’est le principal frein pour convertir plus de fermes en bio : l’accompagnement des agriculteurs et la formation à de nouvelles pratiques.
De mon côté, même si Pascal ne s’intéresse pas plus que ça à la conservation des sols, j’ai trouvé chez lui une grande flamme qui l’anime tous les jours dans son métier. Il a des connaissances solides et de bons réflexes qui lui permettent de faire de l’agriculture biologique avec des rendements proches du conventionnel. Encore une fois, la clé de la solution est certainement dans un échange de bonnes pratiques entre bio, conventionnel et conservation des sols…
Logo du label "Agriculture Biologique" français
J’ai ensuite rencontré Frédéric. C’est un ancien laitier qui a arrêté la production en 2009 car il devait faire des mises aux normes et économiquement ce n’était pas possible (sauf s’il acceptait 25 ans sans salaires…). Heureusement pour lui, il avait une activité de salarié chez un entrepreneur, qui en 2008 est partie à la retraite. [Petite parenthèse, un entrepreneur, en agriculture, c’est une entreprise qui effectue des travaux agricoles. Par exemple, si vous ne possédez pas de moissonneuse, vous pouvez faire appel à un entrepreneur pour effectuer ce chantier pour vous] Ce dernier a proposé à ses salariés intéressés de diviser l’entreprise. Frédéric en a donc récupéré un morceau et a arrêté l’élevage. Aujourd’hui, il a pu donc sortir la tête de l’élevage et avoue qu’il a un rythme de vie plus tranquille. Il a, certes, des moments chauds comme les semis (10/15 jours), l’azote (21 jours) ou la récolte (1 mois et demi), mais il avoue être assez tranquille en dehors de ces moments-là. Il n’a « que » 80ha (Maïs conso, Tournesol Semences, Blé/Orge, Colza). Il pense même ne pas faire les 35h sur une année complète. Avec le recul qu’il a aujourd’hui, il considère l’élevage comme de l’esclavage, à cause du temps que ça prend et de la présence permanente avec les animaux. Larmes aux yeux, il s’excuse auprès de sa fille, qu’il n’a jamais emmené en vacances de sa vie.
Frédéric
Reprise du vélo pour me rendre à Marciac, un petit village dans le Gers (32), réputé pour son célèbre festival de Jazz (Jazz in Marciac, tous les ans, pendant la première quinzaine d’août). Je suis arrivé dans un éco-lieu où 2 maraîchers sont installés : Simon & Olivier. Simon est le petit-fils de l’ancienne propriétaire des lieux, mais aussi un grand cuisinier. Olivier, lui, est un ancien technicien de laboratoire, à Bordeaux. Déprimé par son métier, ce dernier a répondu à une annonce publiée par Simon qui cherchait un collègue pour développer l’éco-lieu.
Pour l’instant, ils ont une ferme maraîchère qui tourne autour de la thématique de l’arbre (accompagnement avec l’association Arbres & Paysages 32, association locale d’agroforesterie & financement avec le concours de Fermes d’avenir, vous vous rappelez, l’association de Maxime De Rostolan). Après 3 ans, ils maitrisent bien le maraîchage sur sol vivant, maintenant ils vont développer un atelier de poules pondeuses pour créer une symbiose « Polyculture-Elevage » et une partie d’une parcelle sera dédiée aux chevaux. Olivier (Oui, un deuxième Olivier, qui est le père de Simon), possède quatre chevaux et deux ânes. Il utilise souvent les chevaux pour faire des balades en calèche autour de Marciac, notamment les jeudis matin avec un groupe d’handicapés.
Les chevaux d'Olivier
Enfin, pour terminer ma semaine, je me suis rendu à Auch, préfecture du Gers ! J’ai été logé chez Fabien BALAGUER, président de l’AFAF (Association Française d’AgroForesterie). Le jour de mon arrivée, le vendredi, correspondait pour lui à la dernière journée du séminaire du projet AFINET. Ce projet a pour objectif de réunir les grandes structures européennes d’agroforesterie. Le vendredi était donc la dernière journée de ces rencontres, consacrée à la visite de 3 fermes en agroforesterie.
1ère visite : La Ferme à Naroque, Andy CATO & Cie. Andy, ancien DJ anglais, s’est reconverti dans l’agriculture. Installé avec un ami belge, ils ne sont pas issus du milieu agricole. Pourtant, ils ont décidé de réinventer l’agriculture. N’étant pas issus du milieu agricole, ils ont eu une force d’innovation et d’imagination impressionnante. Le fil conducteur était simple : l’alimentation. Le moyen d’y arriver était aussi clair : pas de travail du sol, des variétés de blés anciens, du bio, une transformation pour avoir du pain, du travail mécanique avec des chevaux. Le plus impressionnant c’est bien entendu l’activité avec les chevaux. Pour être plus précis, cela ne concerne que le semis et le travail du sol superficiel pour l’instant. Les chevaux n’assurent qu’un effort de traction. La prise de force est animée par un moteur thermique. Mais l’objectif est d’arriver à un travail complet par les chevaux, y compris pour l’animation de la prise de force. [La prise de force c’est l’élément qui permet de transmettre la force du tracteur dans un outil et donc d’en assurer l’animation]
L'équipement pour la traction animale
2ème visite : Ferme en Coton, Nicolas et Anne-Catherine PETIT. C’est une ferme très tournée sur le projet de l’agroforesterie. Une bonne diversité d’élevage : porcs, ovins et volailles. Il y a aussi un âne. L’élevage est plutôt centré sur les poulets. Il y a un pâturage dynamique sur les parcours des poulets. Il y a des arbres partout avec les animaux. Nicolas est quand même très occupé, il ne nous a accordé que 20 minutes mais on a pu visiter sa ferme de notre côté. [Le pâturage dynamique, c’est le fait de changer régulièrement l’espace où les animaux peuvent sortir. L’objectif étant d’utiliser au moins l’herbe.
Les poulets de Nicolas et Anne-Catherine
3ème visite : Ferme du Hauquoi, chez Vincent et Sylvie BLAGNY. C’est une ferme spécialisée dans la vente de poulets label rouge, bio, avec une approche conservation des sols et agroforesterie. Il appuie beaucoup sur l’avantage des arbres pour les poulets, qui évoluent du coup sur tout le parcours. Il a aussi beaucoup insisté sur ses arbres qui ont réussi à pousser en pente, sur de la roche. Ils redonnent un maximum de matières à la terre. Il a aussi replanté beaucoup de haies. Il est, de base, un grand amoureux des arbres, donc il n’a pas eu de difficultés à croire en l’avantage des arbres. La petite histoire sympa, c’est que son beau-père, à qui appartenait la ferme avant, a participé au remembrement et donc à l’explosion des haies et des arbres avec des bulldozers. Mais plusieurs années plus tard, il a accompagné son gendre dans la plantation des arbres et des haies.