J’ai démarré ma semaine à Tours, à la rencontre de Maxime De Rostolan. Vous l’avez peut-être déjà rencontré à travers le film « On a 20 ans pour changer le monde », de l’association « Fermes d’Avenir » ou encore du site de financement participatif dédié aux projets agroécologiques « BlueBees ». Nous avons visité la ferme vedette de cette association, la ferme de la Bourdaisière, puis nous avons pu échanger, une bonne heure sur l’agriculture. Maxime n’est pas engagé qu’en agriculture, il a une vision beaucoup plus globale qui prend en compte tous les problèmes de la société. Conscient que nous convergeons vers une catastrophe écologique sans précédent, il cherche par tous les moyens à changer les politiques agricoles pour que l’agriculture redevienne une activité positive pour l’environnement. Un échange très intéressant, qui m’a permis de reprendre du recul sur mon aventure, en n’oubliant pas que le combat pour sauver l’environnement conditionne tous les autres combats.
Maxime, devant la ferme de la Bourdaisière.
Me voilà désormais autour de Nantes.
Je me suis rendu à La Chapelle-Basse-Mer chez Jean-Michel et son fils Jean-Baptiste. Cette commune, située au bord de la Loire, à 20 km à l’est de Nantes, témoigne de la diversité des productions agricoles du département. Quelques kilomètres avant mon arrivée, les plaines des bords de Loire sont envahies de parcelles maraîchères industrielles. Ici, les maraîchers nantais ont su se spécialiser dans la production de mâche. Des kilomètres de plastiques de mini serres, pour assurer une production toute l’année (3 à 4 récoltes par an !). Actuellement, les agriculteurs préparent les salades pour la période de noël. Une fois arrivé, en hauteur, chez Jean-Michel, je rencontre son fils, Jean-Baptiste, qui est revenu récemment sur le domaine familial. Le mot d’ordre du domaine est la « diversification », avec une soixantaine d’hectares en vigne, une vingtaine en pommes et une dizaine de céréales.
Actuellement, c’est la période de la récolte des pommes. Les saisonniers sont donc en plein travail. Cette période s’étale sur 4 mois car la diversité se retrouve dans les différentes productions mais aussi au sein d’une même production. Ainsi, les différentes variétés de pommes permettent d’étaler la récolte sur quatre mois. Ces pommes, ce sont des pommes à couteaux. C’est-à-dire qu’elles seront consommées crues, contrairement aux pommes à cidre et à cuire. Mais depuis son retour, Jean-Baptiste a développé un nouveau produit : le cidre artisanal. Ce nouveau produit, issu donc de pommes à couteaux, n’a rien à voir avec le cidre issu de pommes à cidre. Un cidre beaucoup plus doux, fruitiers, rafraichissant. Un produit innovant, qui rompt donc les codes avec les cidres traditionnels bretons ou normands. L’innovation se marque jusqu’à l’étiquette, puisque cette dernière a été réalisé par un groupe d’étudiants d’une école à Nantes.
Jean-Michel et son fils Jean-Baptiste
Je me suis ensuite rendu à St-Pazanne, dans le pays de Retz, à 30 km au sud-ouest de Nantes, chez Bernard Morilleau, maire de cette commune de 7 000 habitants et ancien éleveur laitier. Cette région, connue pour être de mauvaises terres, connait donc une dominante d’élevages laitiers. Ces terres, incompatibles avec des productions uniquement céréalières, ont poussé les agriculteurs à se réunir pour travailler ensemble autour des fameuses CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole). Dans cette commune, une cinquantaine d’agriculteurs se sont réunis autour d’une CUMA. Ils achètent ensemble du matériel performant, innovant et le partage. Autour de cette CUMA, 2 salariés agricoles ont été engagés et une secrétaire permet d’assurer une bonne organisation. Tous les vendredis matin, les agriculteurs se réunissent, pour organiser la répartition du matériel, mais aussi pour échanger, que ce soit sur des sujets agricoles ou non. Ce rendez-vous est aussi important d’un point de vue social pour tous ces agriculteurs. Nous avons donc rencontré le président de cette CUMA ainsi qu’un adhérent, éleveur laitier, convertit en bio depuis peu. Encore une fois, cette conversion en bio a dû s’accompagner d’une autonomie alimentaire (car l’achat de produits bios à l’extérieur pour les vaches coûte beaucoup trop cher !). Il a donc fallu réinventer l’alimentation des vaches pour se diriger vers plus de pâturage.
Enfin, j’ai terminé ma semaine avec Pierre, que j’ai rencontré dans un café nantais. Pierre développe depuis une année une boîte d’analyse de données à partir d’images prises par des drones :
EFIKA. L’objectif est d’obtenir plusieurs informations (teneur en eau, texture du sol, mauvaises herbes…) à l’échelle du centimètre ! Ses analyses
marchent très bien et intéressent beaucoup de monde. Une chose qui choque Pierre, ce sont les réglementations agricoles « comment pouvons nous parler de politiques agricoles communes
alors qu’à l’échelle d’une parcelle nous remarquons déjà une grande hétérogénéité ? ». Malheureusement, derrière ces analyses, les marges d’actions sont limitées. En effet, pour
utiliser ses données, il faudrait être équipé de modulateur sur toutes les machines pour semer/irriguer/traiter avec des doses différentes en fonction des données relevées. Malheureusement,
en agriculture, sur des productions « basiques » (grandes cultures), le coût d’investissement est bien plus élevé que les gains économiques en sortie. Encore une fois, le nerf de la
guerre se trouve dans l’argent…